LANZ PIERCE – « Je ne veux pas être la meilleure Mc. Je veux faire de grandes chansons. »

Attention chers amis, séquence émotion : voici la toute première interview de FeMC’z. Et pour ce premier entretien et à l’occasion de la sortie de « Editors Eye », c’est avec Lanz Pierce que j’ai eu l’occasion d’échanger quelques mots. Zoom sur une artiste et une entrepreneuse avec les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.

J’ai remarqué un détail amusant : ton projet s’appelle “Editors Eyes” et à coté de ça je constate que tu réalises toutes tes vidéos. Au-delà de l’aspect “promo”, quel rapport as-tu avec l’image ?

Je pense que la musique est avant toutes choses une expérience, un truc que l’on vit entièrement. Ce genre de moment où tu ne peux pas t’empêcher de bouger la tête, tu ressens vraiment la musique. C’est exactement ça que je recherche quand je réalise mes clips. Je veux transcrire en visuel tout ce que la musique évoque à l’auditeur. Pour en revenir plus précisément à mon album « Editors Eye », son titre est directement inspiré par le documentaire réalisé pour le cinquantième anniversaire de Vogue. A cette occasion, Anna Wintour (NDR : directrice de Vogue depuis 1988) avait honoré toutes les réalisatrices les plus célèbres, celles qui avaient donné une voix et une image aux femmes de notre société, à leur vision du monde, à travers un œil élégant, en abordant des sujets aussi divers que leur sexualité ou leur façon de s’habiller. L’autre signification du titre de mon album est un message pour chacun d’entre nous : l’important n’est pas qui tu étais à la naissance, et encore moins ce que tu possèdes, mais bien plus la vision que tu as de ta vie, celle que tu peux construire, scénariser et dont tu es le premier rôle. Et ce même si cela semble être un rêve impossible à première vue.

Il y a une grosse équipe de producteurs et d’ingénieurs sur ce projet. Comment composes-tu avec tous ces gens et quel est ton processus de création ?

Lorsque je commence à travailler une chanson, j’aime être seule. Je m’isole avec un son que j’aime, je l’écoute, je l’apprivoise. Je n’écris pas mes paroles sur papier, elles me viennent en tête, je les mémorise et les mets bout à bout une à une. En ce qui concerne l’enregistrement à proprement parler, c’est toujours en petit comité, uniquement des personnes dont les avis sont précieux, des personnes qui n’hésitent pas à me dire de reposer, écrire à nouveau et recommencer si nécessaire. Le reste de l’équipe n’intervient qu’en post prod, soit pour le mix ou pour les dernières touches sur le morceau.

Ta musique est vraiment ancrée dans l’air du temps en termes de sonorités. J’imagine que tu es très à l’écoute de la tendance. Quels sont tes disques et/ou artistes du moment ?

En effet, je suis toujours attentive à ce qui se passe, à ce qui sort, c’est mon environnement de travail ! Actuellement j’écoute beaucoup le nouvel album de Dr Dre. J’ai toujours été une grande fan de Dre, Eminem, Snoop etc. Mais j’aime aussi les nouvelles têtes comme Vic Mensa, Post Malone, Kehani et Dej Loaf. Et puis bien sûr, j’ai mes incontournables comme J.Cole, Drake, Kendrick, Kanye, Future, Nipsey Hussel, PartyNextdoor etc.

Il y a un vrai travail sur les flows que tu adoptes d’un morceau à l’autre et qui semble parfaitement servir tes lyrics sans donner l’impression d’en rajouter des tonnes. Le fait de savoir (bien) chanter j’imagine que ça doit t’aider à mort dans ton écriture ?

Oui absolument, pour moi c’est un réel plus. Je ne veux pas être la meilleure Mc. Je veux faire de grandes chansons. Celles qui marquent leur temps. Et d’un autre côté je me dis que je ne fais pas fausse route puisque les plus grands noms du Hip-Hop ont toujours intégré le chant dans leurs tracks, à l’image de 2Pac, Biggie ou encore 50 Cent.

Voici le moment où l’on comprend que je vieillis : il fut une époque où le côté “Pop” (au sens strictement musical du terme) était, au pire un gros mot, au mieux pas du tout assumé dans le rap. Les temps changent, les sonorités aussi et je ne parle même pas de l’image de cette musique. Te concernant on a l’impression que c’est quelque chose de parfaitement assimilé et indissociable de ta musique…

Absolument. Dans ma musique, les deux sont liés. Je reste vraie et authentique avec moi-même d’abord et bien sûr avec mes auditeurs et fans ensuite.

Comment toi tu décrirais ta musique ?

Je ne préfère pas lui donner de définition, mais plutôt laisser les gens la découvrir et le vivre par eux-mêmes. Je pourrais te dire tout ce que tu veux, que ma musique rapporte une fraîcheur, un truc inédit, tout cela n’a de sens que si les gens se font leur propre idée en écoutant par eux-mêmes. Tout ce que je veux c’est partager ma vision des choses et faire qu’un maximum de gens s’y reconnaissent.

Sur ta biographie, j’ai lu que tu avais abandonné l’école à 14 ans pour te consacrer à la musique. Quel est le contexte autour de toi à cette époque pour que tu décides aussi jeune de te vouer au rap ?

Il y a eu plusieurs raisons à ce choix. C’était en partie pour des raisons financières. Je voulais aider ma mère, qui a toujours travaillé dur pour nous offrir ce qu’il y avait de meilleur. Et puis j’étais aussi un peu en marge du système scolaire classique, j’avais du mal à rester dans le rang. A l’époque il n’y avait pas tous ces programmes scolaires qui laissent une place plus importante à l’expression artistique et créative des élèves. En résumé, c’était un moule et je ne rentrais vraiment pas dedans. Je n’étais vraiment pas à ma place. D’un autre côté, quitter le système scolaire aussi tôt ne m’a pas apporté que des atouts. J’ai souvent souffert de n’avoir qu’un petit bagage, j’ai toujours dû travailler dix fois plus dur que les autres pour prouver ma valeur. Mais au final, j’ai surtout appris des choses qui n’ont pas de prix. Ces choix ont affûté ma vision du monde, ma capacité à m’en sortir et si je n’avais pas suivi cette route, je n’aurai probablement jamais été signée sur Interscope à 16 ans.

En bon petit blogueur discipliné, j’ai écouté ton premier projet, “Point Of No Return”, qui pour le coup sonne comme un vrai disque de rap pur et dur. Avec “Editors Eyes” j’ai l’impression que tu cherches vraiment à transcender les genres, que tu es dans l’expérimentation…

C’est tout à fait vrai. J’ai beaucoup grandi et appris entre ces deux albums. Je suis fière de donner naissance peu à peu à mon propre style. Je ne supporte vraiment pas ces artistes qui veulent sonner « comme ». Tous les nouveaux rappeurs qui explosent amènent quelque chose de singulier et je respecte ça. C’est ça que je veux que l’on retienne de Lanz Pierce.

Tu as monté ton propre label, Innovators & Aviators. D’où est venue cette envie de te structurer par toi-même ?

Innovators & Aviators est né il y a deux ans, à une époque où mon business partner et moi-même étions fatigués de recevoir des conseils de major labels nous disant ce qu’il fallait faire ou ne pas faire. C’est pour cette raison que nous avons monté notre propre structure, afin de garder le contrôle sur la création, en montant une équipe pluri-disciplinaire. Beatmakers, graphistes, réalisateurs, community managers, nous avons tout en interne. C’est tout cela qui nous apporte une vision professionnelle de ce business. On réalise un disque de A à Z et on contrôle vraiment notre destiné. Et dans un deuxième temps, Innovators & Aviators est aussi là pour aider d’autres créatifs comme nous à réaliser leur art. Au final, nous sommes devenus une structure avec laquelle les gros major labels veulent travailler.

Pour finir, j’ai concept à faire tourner, alors peux-tu me citer tes trois albums de FeMC’z préférés ?

Il y en aurait quatre que j’ai envie de citer : Lauryn Hill « The Miseducations Of Lauryn Hill », Lil’Kim « Hardcore », Missy Elliott « Under Construction » et Nicki Minaj « The Pink Print ».

Un grand merci à François & The Bridge Promotion et à Véro.

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